Stéphane Houdet

Perpetuel Tennisman /

Une âme de winner. Passionné par le sport depuis toujours Stéphane Houdet a frappé ses premières balles à Pornichet. Ancien vétérinaire et maintenant champion de tennis, il a été porte-drapeau paralympique et multiple vainqueur de titres du Grand Chelem. Cet homme au parcours atypique nous livre une courte rétrospective sur sa carrière sportive handisport. Rencontre.

©Guillaume Reynaud au profit d’APF France handicap»

La soucoupe qui fait tilt – une rencontre inattendue
Parce que je demandais à jouer en club, c’est un mercredi après-midi que ma mère décidait de m’inscrire au foot. En arrivant à la soucoupe à Saint-Nazaire, j’ai été très impressionné. Grand, étrange, beaucoup de terrains, et peu de monde ce jour-là. Je lui ai demandé de faire demi-tour. Le foot oublié, un collègue de ma mère – elle était professeur d’éducation physique et sportive et lui prof de tennis – lui a proposé de me faire goûter au tennis au club de Pornichet. Ainsi j’ai débuté le tennis, ça m’a plu immédiatement.
Le temps a passé. Un accident. Une reprise.
J’exerçais comme vétérinaire dans le Charolais quand j’ai eu mon accident. Ce moment de ma vie est celui de la reconstruction, physique et psychologique. Travail sur l’estime de soi, l’amour de soi, la confiance en soi. J’essayais de me reconstruire sur le plan professionnel et je me rappelais qui j’étais plus jeune, un sportif qui gagnait en compétition. Le déclic qui m’a donné envie de reprendre. Dans un premier temps, ne pouvant plus courir j’ai retrouvé la compétition en jouant au bridge, puis au golf. A suivi la bascule, une rencontre : celle d’un footballeur hollandais de légende : Johan Cruyff.
La rencontre avec une légende du foot
2004. J’étais numéro un en Europe dans la section handigolf. Un jour de compétition, Johan Cruyff, invité spécial pour l’occasion m’a proposé un projet en lien avec sa fondation pour un circuit international de tennis… Peu de temps après, je me suis remis à jouer à fond au tennis, en compétition. En 2008, alors que je jouais les Masters à Amsterdam, Johan Cruyff, me fait la surprise de débarquer sur le court. Je lui ai montré la médaille Olympique que j’avais gagnée quelques mois auparavant, en lui disant « tu te souviens tu m’as conseillé de reprendre le tennis il y a 4 ans et bien tu vois que ce n’était pas pour rien…» On s’est marré.
Situation de handicap et sport
Je ne dis pas être une personne en situation de handicap. Je dis que je suis amputé fémoral. Le matin je mets ma prothèse et je me sens adapté. Avec des problématiques évidemment, je marche différemment, mais ma prothèse m’aide à me sortir d’une situation difficile. Le sport a été un vecteur de communication, un moyen de garder du lien avec la société et avec moi-même, de me réconcilier avec la personnalité du jeune garçon qui était très branché sport, qui jouait et qui aimait gagner.

©Tibaut Chouara

L’entourage du Haut Niveau
Restons modestes. Nous sommes des sportifs paralympiques qui n’ont pas de kiné perso. Il y a une équipe médicale mise à disposition sur le circuit. Aussi, je voyage souvent seul et trouve des partenaires et des coaches sur place. Je côtoie aussi des coachs à Paris, pour des entraînements sous forme de stages.
Je m’entraîne à Rolland Garros avec des partenaires que j’ai en permanence, qu’il m’arrive de choisir en fonction de leurs jeux. Des gauchers, des joueurs qui servent fort, qui se déplacent un peu plus… J’ajoute qu’il est bien de « matcher » parfois avec quelqu’un qui joue moins bien, pour se réconforter sur la dynamique de la gagne.
Et votre relation avec la victoire ?
La victoire, un immense plaisir, mais impossible de se reposer sur ses lauriers, il y a toujours un tournoi le lendemain. C’est la magie d’un calendrier hyper chargé. On gagne une médaille d’or à Tokyo, et on se tourne déjà vers les jeux de Paris, ceux de Los Angeles… et pourquoi pas Brisbane en 2032. La médaille, c’est finalement la cerise sur le gâteau. Mais en fait c’est l’engagement qui est important.
Rebondir. Résilience ?
On ne rêve pas d’être champion paralympique. Vouloir l’être veut dire au départ avoir une différence et avoir une déficience reconnue. Difficile d’en rêver. En revanche, ce qui a sensiblement changé dans notre société et son regard sur le handicap, c’est que les gens peuvent rêver d’avoir un enfant capable de se reconstruire grâce au sport. Cette résilience. Être capable de rebondir. Me concernant je suis content d’avoir eu cet accident car il m’a montré que la vie ne tenait qu’à un fil et qu’elle était importante.
Une routine s’installe-t-elle ?
Je travaille avec des jeunes sur des innovations pédagogiques. Les faire créer, imaginer de nouveaux exercices sont des choses qui m’animent et me permettent de ne pas tomber dans la routine. À voir que je joue 23 épreuves par an, donc pour ma part aucune lassitude. À ce rythme, la compétition incite à toujours se projeter. L’objectif reste de gagner et surtout de jouer.
Transmettre votre passion
Oui j’étais à jouer la semaine passée avec des jeunes de la région parisienne. J’étais aussi à la fédération française de tennis pour échanger et comprendre ce dont les jeunes ont besoin quand ils poussent les portes d’un club. Se demander comment les fidéliser, les motiver pour qu’ils se sentent bien dans leur pratique. Autant pour les compétiteurs que pour ceux qui pratique sur une activité de loisirs.
Votre meilleur souvenir
Je dis souvent que ce sera le prochain. Le fait de gagner une médaille d’or en étant porte drapeau est une occasion et une association qui est rare. Ce fut fabuleux.

©Tibaut Chouara

Texte : Malo Huou