Jérôme Gaboriau

L’art de programmer la musique /

Jérôme Gaboriau est responsable de la programmation du festival les Escales depuis 22 ans. Focus sur un métier de passion avec une exigence d’équilibre, au service du festival.

Quel est votre parcours professionnel ?
J’ai toujours été attiré par le milieu de la musique. J’étais membre d’une association à Montaigu qui organisait des festivals. Il n’y avait pas d’études pour faire ce métier. J’ai commencé par un DUT Carrières sociales, option culture, à Rennes. Ensuite avec un diplôme d’État, fonction d’animation, j’ai travaillé dans une fédération d’éducation populaire pendant 8 ans. J’ai continué mon bénévolat et je gardais la passion d’aller dans les festivals : en découvrant les Escales, j’ai trouvé un festival avec des artistes à part dans un lieu magique sur l’île du Petit-Maroc, entre le bassin et l’estuaire.
Quel est le principe du festival des Escales ? Comment a-t-il évolué en 30 ans ?
Les Escales ont 30 ans cette année et se déroulent le dernier week-end de juillet pendant 3 jours. Il y a 4 scènes et on peut accueillir plus de 20 000 personnes par jour. Les artistes qui viennent sont nationaux et internationaux. Au départ, le festival programmé sur deux jours, était orienté vers les « musiques du monde ». Un pays ou une ville étrangère était à l’honneur et ses artistes faisaient la scène. La ligne artistique a évolué quand nous sommes passés à trois jours avec un objectif de remplissage différent et des enjeux financiers différents. On a décidé d’être moins sur les musiques traditionnelles. Il est important de penser à renouveler le public et de toucher tous les âges. Les esthétiques ont aussi évolué. Il fallait être dans l’actualité des sons du monde, sachant que les « musiques racines » se retrouvent aujourd’hui malgré tout dans les musiques actuelles. Le rock peut ainsi avoir des sonorités traditionnelles.
Quel est votre rôle en tant que programmateur ?
Je recherche des têtes d’affiches pour attirer un public large. J’ai un réseau important qui me permet d’être en contact avec les représentants des artistes connus qu’il faut programmer. Je regarde ceux qui sont en tournée et libres aux dates du festival. Pour programmer des coups de cœur nationaux ou internationaux, je vais voir beaucoup de concerts, notamment à Paris ou à l’étranger. Il y a aussi des rendez-vous professionnels qui permettent d’échanger des idées. Je travaille beaucoup dans ce sens de septembre jusqu’en mars pour découvrir beaucoup de groupes. Je me rends par exemple aux Trans Musicales de Rennes où l’on trouve beaucoup « d’artistes de demain ». Ensuite, je cours chercher tous « les artistes découvertes » qui viennent de l’étranger pour le focus (cette année autour du concept Globe-trotter). Après en avoir écouté beaucoup ici et là, je me demande quels sont les artistes phares à faire découvrir. Quand je me déplace à l’étranger, souvent 15 jours sur place, j’essaye d’en voir le plus possible.

Jérôme Gaboriau (au milieu) avec Éric Mangen et Matt Adnate qui ont réalisé la fresque Unravel (2018)

Quel est le style que vous affectionnez le plus ?
Je pense qu’il ne faut pas s’enfermer dans un style. Je ne suis fermé à rien. À partir du moment où les artistes ont la capacité à retranscrire sur scène un travail sonore de qualité, à la hauteur de ce qu’ils produisent en studio. C’est un de mes repères pour sélectionner des artistes complets. Même si le « live » est tout autre chose, plus vivant par définition.
Quels sont les critères à respecter pour la programmation ?
Il faut que les artistes soient professionnels. Il y a des esthétiques qui sont moins présentes, en particulier la chanson française traditionnelle ou le jazz qui pourraient plaire aux puristes du genre. Il y a une volonté de s’orienter sur des musiques nouvelles, actuelles, notamment grâce au focus sur l’étranger.
Quelles sont les principales satisfactions que vous avez à travers ce métier ?
Quand je pars tout seul à l’étranger, j’ai le plaisir de découvrir un pays, les habitants, de m’imprégner de la culture d’un territoire. J’adore ensuite en parler et transmettre ce que j’ai découvert. J’assiste bien entendu à de nombreux concerts. Le contact avec les artistes me plaît beaucoup et j’ai eu la chance d’inviter aux Escales des artistes qui se sont révélés ensuite au grand public, comme Eddy de Pretto ou Asaf Avidan.

Interview : Élèves du CAP Vente 1EC2 du Lycée Brossaud-Blancho de Saint-Nazaire