Jeanne Added

Naturellement optimiste/

On a rencontré Jeanne Added lors de la soirée LiFE is VIP à Saint-Nazaire, et l’énergie qu’elle dégageait était impressionnante. Cet après-midi-là, le temps s’est comme suspendu. Pris entre deux feux, intimidés par sa présence et excités-impatients du concert à venir, nous nous sommes livrés à un jeu de questions-réponses. Une belle rencontre.

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Pensiez-vous que vous seriez musicienne lorsque vous étiez jeune?
C’est arrivé entre la première et la terminale. C’était pas une évidence mais une idée, une envie et une possibilité qui commençait à apparaître. Je suis alors partie à Paris faire des études de musique.
Vous avez débuté vos études dans un conservatoire avec un enseignement classique, puis vous vous êtes tournée vers le jazz, à Londres. Qu’est-ce que cela apporte à votre musique aujourd’hui?
Les formations classique et jazz m’ont apporté la technique, savoir travailler, répéter, déjouer les quelques pièges que je rencontre sur mon chemin. Cela m’a apporté un cadre, comme on peut apprendre à structurer sa pensée quand on fait de la philo par exemple. Cela m’a permis de percevoir de nombreux éléments dans la musique, parce que ce n’est pas un truc vague, une masse informe, au contraire.

Je trouve que vous avez une vraie présence sur scène. Pourriez-vous nous en parler ? Commet abordez-vous le passage de l’enregistrement au live ?
La présence, tout est dans le mot. Être présent à ce qui se passe au moment présent, dans l’instant. Ne pas être en train de se regarder faire, mais être là tout simplement, de la façon la plus possiblement pure qui soit. Ce n’est pas toujours possible, pas toujours facile, mais c’est à cela qu’on travaille. Répéter les gestes, la technique, le son, les morceaux permet d’oublier ce qu’il y a à faire lorsqu’on est en train de le faire. Le rapport entre la musique enregistrée et la scène, c’est ça. La musique enregistrée, c’est quelque chose que l’on construit, qui sert d’édifice, ce n’est pas le même genre de présence. C’est quelque chose qui va exister. Pour moi, il n’y a pas des tonnes de trucs à faire pour permettre l’adaptation entre le disque et la scène. L’adaptation, elle est humaine déjà. À partir du moment où tu as des gens sur scène, en soi, c’est déjà une adaptation.

Y a-t’il un fil conducteur dans votre album Radiate ?
Non, pas vraiment. Pas du tout même. Je n’ai pas pensé comme ça. Après, c’est marrant, tu te rends compte a posteriori de l’album du lien entre les morceaux. C’est assez magique. Peut-être qu’un jour, je partirais d’un fil conducteur, mais pour le moment, sur mes deux premiers albums, je ne l’ai pas fait. Ce ne sont pas ce qu’on peut appeler des « concept album ». Je n’ai pas eu une idée machiavélique ou géniale, en me disant que j’allais raconter ça sur dix chansons. Je travaille chanson par chanson, puis à un moment, il y a un lien qui se crée de manière naturelle. Il unifie le tout.

« j’ai beau me forcer à être cynique, de temps en temps,
ça ne marche pas »

Pourquoi avez-vous choisi cette tendance électro, enfin ces sonorités qui bougent dans votre deuxième album? Quel matériel utilisez vous ?
Pour la rythmique, j’avais envie de développer l’aspect physique de ma pratique. Donc de danser un peu plus. Ayant fait beaucoup de concerts sur le deuxième album, j’ai découvert le plaisir de bouger sur scène, d‘avoir ce genre d’énergie. J’avais envie de bouger et il se trouve que les mecs avec qui j’ai travaillé ont cette culture. Ils savent faire groover les machines. C’est ce qui donne envie de danser. Peut-être qu’après deux ans de tournée, je ferais un disque de ballades…

En écoutant votre dernier album, j’ai trouvé qu’il était plus sombre. Vous considérez-vous comme optimiste?
Oui, je crois que je suis profondément optimiste. Malgré moi. J’ai beau me forcer à être cynique, de temps en temps, ça ne marche pas. Il y a tellement de sujets sur lesquels être désarmée, et même en colère parfois. La race humaine, c’est quand même pas mal n’importe quoi, en particulier en Occident. Malgré tout, quand je vois les gens, le ciel et tout ce qui nous entoure, j’y trouve beaucoup d’énergie, de force et de lumière. Donc oui, je suis optimiste, mais ça ne m’empêche pas d’être sombre comme tu le dis.

Vous avez travaillé sur un duo avec Zazie sur la chanson Rodéo. Qu’est-ce qui vous a motivée à le faire?
Ça faisait longtemps qu’on me parlait d’elle. C’était une rencontre qui devait se faire, et puis c’est une belle chanson. Zazie est une artiste intègre. J’ai eu de grandes sensations à chanter ce morceau qui prend vraiment aux tripes.

Vous avez rencontré durant votre vie de nombreux artistes, pouvez vous nous donner une anecdote qui vous a marquée ?
En ce moment, je parle beaucoup de Bernard Lubat. Je l’ai rencontré il y a longtemps mais je ne le vois plus du tout. J’avais 19 ans, pas loin de votre âge, il m’avait invitée à venir le rejoindre sur scène. Comme il l’a fait, c’était comme mettre la charrue avant les bœufs. Il n’y a pas d’ordre, on n’a pas besoin de tout savoir pour faire les choses. On ne peut pas tout contrôler. Il faut se lancer, on apprend en faisant, au fur et à mesure. En tout cas, c’est comme cela que ça fonctionne chez moi. Même si j’ai fait beaucoup d’études, je n’ai jamais autant appris qu’en faisant. Ça s’est vérifié. Il ne faut pas avoir peur. Il faut se faire confiance.

Les questions SINON

SINON, quel est votre tic ?
J’oublie toujours quelque chose quand je sors de chez moi. Je reviens au moins une ou deux fois.
SINON, quelle est votre phrase fétiche ?
Le temps a toujours raison. Ou alors non, le temps passe à la bonne vitesse, c’est mieux comme ça.
SINON, quelle est votre plus grosse connerie ?
Je trouve qu’à part faire du mal à quelqu’un, ce qui peut arriver, on peut être maladroit, j’ai pas l’impression qu’on peut vraiment faire de grosses conneries. Enfin je ne sais pas, en tout cas j’ai pas l’impression d’en avoir fait. Peut-être que je suis une gentille fille en fin de compte.
SINON, quelle est votre plus grande fierté ?
De pouvoir exercer mon métier comme je l’exerce. Je trouve que c’est une grande chance, donc j’essaye de l’honorer.
SINON, quel est votre bar préféré ?
Celui d’en bas de chez moi !
SINON, quelle chanson vous fait danser ?
En ce moment, c’est Sensation de Daniel Avery

Pour suivre Jeanne Added :

Interview : Julia Paquet, Swann Rozec, Léa Levant, Malou Strauss (Option musique au lycée Aristide‑Briand) - Photos : © Julien Mignot